Comment puis-je devenir bon et cesser d’être mauvais ?
Ou : Mode d’emploi pour se détruire de l’intérieur...
Série sur l'homme naturel, POST 1
Ceci est le premier d’une série de 3 posts sur un verset d’écriture bien connu des mormons : Mosiah 3:19. Un résumé de ce verset du Livre de Mormon serait : l’homme naturel est ennemi de Dieu, à moins qu’il ne soit transformé par le Christ, ne se dépouille de son côté naturel, et ne devienne humble et semblable à un enfant, soumis à Dieu son père. Ce post traite d’un aspect problématique, le prochain sera sur un aspect ambiguë, et le dernier sur un aspect positif.
"Car l’homme naturel est ennemi de Dieu, et l’est depuis la chute d’Adam, et le sera pour toujours et à jamais, à moins qu’il ne se rende aux persuasions de l’Esprit-Saint, et ne se dépouille de l’homme naturel, et ne devienne un saint par l’expiation du Christ, le Seigneur, et ne devienne semblable à un enfant, soumis, doux, humble, patient, plein d’amour, disposé à se soumettre à tout ce que le Seigneur juge bon de lui infliger, tout comme un enfant se soumet à son père." - Livre de Mormon, Mosiah 3:19
L'homme naturel : définitions
Parlons donc d’un aspect clairement problématique de ce verset : l’homme naturel. C’est une notion qu’on retrouve dans la Bible (Paul parle de l’homme animal par exemple) mais qui est surtout développée dans des écritures modernes spécifiques aux mormons. La philosophie est simple : une part de tout homme est mauvaise, diabolique, ennemie de Dieu, et il faut la dominer, la rejeter et si possible s’en débarrasser.
On retrouve un prototype de cette philosophie chez Platon, avec l’idée que le monde réel n’est que le reflet d’un monde parfait composé d’abstraction. Cette dualité corps-esprit ou matérialité-spiritualité prend, avec les écrits de Paul et la théologie chrétienne du Moyen-Age, un tournant radical : le matériel est mauvais, le spirituel est bon.
Une variante intéressante se retrouve dans une légende soi-disant amérindienne dont on trouve plusieurs versions sur Internet mais dont il est difficile d’authentifier la source. Un grand-père raconte à son petit fils que deux loups se battent en chacun de nous : l’un méchant, en colère, envieux, etc, et l’autre bon, serein, bienveillant, etc. Au garçon curieux de savoir lequel va remporter le combat, le grand-père répond « celui que tu nourris. »
Les limites du concept
Cette idée d’homme naturel à combattre m’a longtemps parlé, mais j’en suis revenu. Je ne conteste pas la sagesse derrière la version amérindienne, à savoir que nous avons le pouvoir de choisir ce sur quoi nous posons notre attention, qu’en ressassant des rancunes ou des idées noires nous nous faisons du mal, et que faire de la place pour la gratitude et l’amour peut considérablement améliorer notre vie. Ce qui me pose plus problème, c’est le concept de considérer qu’une part de nous est mauvaise et à abattre. Du point de vue psychologique, c’est un raccourci vers le désastre, « a highway to hell ». C’est comme se punir soi-même pour avoir un corps en se flagellant, puis essayer de guérir les plaies ouvertes en alternant entre les ignorer et les taillader à coups de couteau.
Considérer que j’ai en moi une partie diabolique, ou même simplement « charnelle » (mais que des démons peuvent utiliser et retourner contre moi) crée plusieurs problèmes :
- cela diminue ma capacité de me faire confiance. Cela crée un clivage dans mon sentiment d’identité, et me fait redouter une partie de mon expérience humaine. Cela me rend donc plus vulnérable à des suggestions externes : je dois écouter les autres car ils savent mieux que moi, je ne peux pas vraiment me faire confiance. Si j’ai une intuition qui va à l’encontre de ce qu’on m’a enseigné, je la considère comme fausse.
- cela diminue ma capacité à m’écouter, à me comprendre. Si j’ai une réaction que j’ai appris à identifier comme « mauvaise » (j’éprouve de la colère ou de l’envie, par exemple), je n’ai pas envie de faire attention à ce que ça voudrait dire sur d’éventuels besoins chez moi, j’ai juste envie d’ignorer la cause et traiter la conséquence (c’est la partie « ignorer ma plaie »).
- cela crée un conflit interne, qui peut être parfois violent. Cela diminue mon estime de moi, me fait rejeter des parts de moi, me fait ressentir de la culpabilité ou de la honte (c’est la partie « taillader ma plaie »).
Une alternative plus saine
Une autre légende à propos d’un loup montre une attitude plus saine. Dans cette histoire, un loup féroce terrorisait les habitants du village de Gubbio. Saint-François appelé à l’aide décida de sortir parler au loup. « Je comprends que les habitants te haïssent, lui dit-il, car tu as tué leurs bêtes et les a attaqué. Mais je sais que c’est la faim qui t’a poussé à agir ainsi. Je veux faire la paix entre toi et les hommes. Voudrais-tu promettre de ne plus jamais leur faire de mal s’ils te pardonnent, t’accueillent et te nourrissent ? » Le loup accepta et François l’amena aux habitants et scella le pacte avec eux. Pour le reste de ses jours, le loup pu aller à sa guise dans le village sans que personne ne lui fasse de mal. Il était nourrit et accepté, et il n’attaqua plus jamais personne.
Pour moi, cette histoire illustre ce qui se passe vraiment en nous lorsqu’on rejette certaines parties de nous : elles ne cessent pas d’exister, mais deviennent marginales, violentes, et continuer à les repousser ne fait qu’entretenir le conflit. En regardant et écoutant ces parties, en les acceptant et en les nourrissant, elles s’apaisent et peuvent paisiblement faire partie de nous. Elles n’ont pas à nous dominer, elles peuvent rester à leur place, mais elles perdent leur côté menaçant et peuvent même enrichir notre vie.
« Tout ce à quoi l'on résiste persiste et tout ce que l'on embrasse s'efface. » - Carl Jung
« C’est au moment où je m’accepte tel que je suis que je deviens capable de changer. » - Carl Rogers
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